Margaret Cook: Écrire sur la vie et le passé
Par Simon Cordeau
De 1949 à 1971, on peut lire les chroniques de Margaret Cook dans le journal The Lachute Watchman. Dans ses Sunnyacres Sketches, elle raconte son quotidien et sa communauté, prend position, décrit sa région et partage ses impressions de manière personnelle.
Hélène Beauchamp et Jean-François Hamilton, président des Sentiers de Gore, ont voulu préserver sa mémoire en écrivant sa biographie, La vie comme elle est. Hélène Beauchamp découvre d’abord Margaret Cook à travers Le Triomphe de la nature. La pièce est l’adaptation théâtrale du roman de Cook, Land Possessed, par l’historien de Morin-Heights Donald Stewart. « Ma rencontre a commencé avec la lecture dramatique du texte. J’ai dit oui. Ça me plaisait beaucoup. »
Puis Jean-François Hamilton et d’autres des Sentiers de Gore tournent un documentaire sur le village disparu de Shrewsbury, aussi intitulé Le triomphe de la nature. Ils approchent alors Mme Beauchamp pour incarner Margaret Cook et ses écrits. Elle devient alors intriguée par cette écrivaine qui lui est inconnue. « Ce qui fascinait surtout Jean-François, c’était le territoire. […] Oui, mais qui était cette femme? »
Longue recherche
Des recherches dans les documents notariés et officiels, dans les journaux de l’époque et sur sa généalogie permettent de retracer la vie de l’écrivaine. Le groupe Facebook Lachute as we remember a aussi été une précieuse source d’information.
Le livre peut être commandé à lessentiersdegore@gmail.com, au coût de 16 $, incluant les frais de poste.
« C’est fascinant : les gens mettent des photos de leur baptême, de leur graduation, etc. Ça donne des archives extraordinaires, accessibles et gratuites. »
Mme Beauchamp lit aussi avec curiosité les écrits de Margaret Cook. « Qu’est-ce que je peux découvrir sur qui elle était? Dans ses chroniques, elle parle d’elle-même, des petites choses. Ce n’est pas une indiscrétion totale, mais elle est assez transparente pour dire ce qu’elle aime, ce qu’elle n’aime pas, ce qu’elle aurait voulu être. J’ai pu dessiner son portrait, son tempérament. »
Raconter
Les chroniques de Cook portent le titre Sunnyacres Sketches l’été, lorsqu’elles sont écrites de sa petite maison de campagne à Gore. Elles prennent le titre Exile from Sunnyacres l’hiver, que Cook passe à Saint- Lambert.
À l’époque, les femmes qui s’expriment dans l’espace public sont encore rares, souligne Mme Beauchamp. Judith Jasmin, la première femme journaliste québécoise et canadienne, commence au Service international de Radio-Canada en 1947. L’autrice franco-manitobaine Gabrielle Roy publie aussi des chroniques dès 1939. « Autant pour Roy que pour Cook, ce n’est pas du journalisme comme tel. Mais ces femmes-là racontent ce qui se passe autour d’elle, elles prennent position et partagent des anecdotes et leur quotidien. »
« Elle insiste pour dire que, parfois, on la ramène à son rôle de femme. Les lectrices lui demandent des recettes », ajoute Mme Beauchamp.
La mémoire des ancêtres
Margaret Cook écrit ensuite un roman qu’elle garde d’abord secret. « Les Paysd’en- Haut, ça nourrit beaucoup l’imaginaire. […] Elle accentue sa recherche historique. Pour son grand bonheur, elle comprend qu’elle vit dans une région colonisée par des Irlandais, comme elle. »
Elle questionne les gens de la région sur leurs ancêtres et elle intègre les enjeux de la communauté irlandaise, qu’elle connaît bien, à son roman. « Elle sait que ces gens-là sont très radicaux dans leur façon de préserver leur mode de pensée, leur mode de vie et leur histoire. Ils sont très fermement et fièrement attachés à leur histoire et à leur foi anglicane. » Land Possessed paraît d’abord dans les pages du Lachute Watchmen, à partir de 1967.
« Je suis Franco-Ontarienne, je viens d’Ottawa », confie Mme Beauchamp. « L’histoire que je connaissais, c’est celle des Français qui sont venus au Québec puis en Ontario. L’histoire des Irlandais, je ne la connaissais pas. Ça m’a appris beaucoup de choses sur les autres colonisateurs qui sont venus avec leur culture différente, leur langue, leur religion, leur musique. […] C’est une mise en perspective différente de notre propre histoire. »