Les débuts de la vie moderne

Par Simon Cordeau

Dans cette chronique, j’explore l’histoire des Laurentides, telle que rapportée par les journaux de l’époque. Cette semaine, un bond de 100 ans dans le passé, alors que la modernité entre tranquillement dans la vie de nos prédécesseurs, avec l’édition du 12 août 1921 de L’Avenir du Nord.

J’ai parfois l’impression que nous sommes entre deux époques. Des technologies comme Internet, les écrans et les médias sociaux sont désormais bien enracinées dans nos vies, mais leur évolution et leurs impacts sur nos sociétés commencent à peine. Difficile de prévoir comment les défis des changements climatiques, de la désinformation et de la polarisation politique affecteront les prochaines décennies.

Pourtant, le monde d’il y a un siècle, en 1921, ne paraît pas si différent du nôtre.

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Le monde rétrécit

Il y a 100 ans, les Laurentides sont déjà bien connectées au reste du monde.

Par exemple, une assemblée libérale aura lieu à Joliette ce dimanche, annonce-t-on. Ce qui retient l’attention, c’est qu’on précise que les électeurs pourront s’y rendre facilement. « Plusieurs trains faisant le trajet entre Montréal et Joliette, le dimanche, permettront à ces derniers d’assister à cette assemblée et de revenir le même jour. » Bientôt, cette rapidité du train transformera les Pays d’en Haut en région touristique.

Dans les nouvelles de Saint-Jérôme, on lit : « Les travaux de macadamisage [asphaltage] de nos rues avancent assez rapidement. Nous avons lieu d’espérer que les rues Labelle et Saint-Georges seront complètement terminées cette année. » Bientôt, les calèches cèderont la place aux auto-mobiles sur nos routes.

Une annonce de Bell vante les mérites de son service longue distance. Cette technologie permet aux marchands « progressifs » non seulement de passer leurs commandes, mais d’en recevoir confirmation en même temps! « « Il vaut bien $50.00 par jour » – nous écrit un courtier de la ville. » Cela équivaut à 730 $ aujourd’hui. Si vous trouvez que votre forfait cellulaire coûte cher… Bientôt, la radio entrera dans les salons.

Kodaks, vaccins et sang froid

C’est ce qu’il y a d’étrange, lorsqu’on regarde le passé. On s’étonne qu’il y a un siècle, on pouvait déjà acheter « des kodaks et tous les accessoires voulus pour faire de la photographie » à la pharmacie. Ou qu’avec la rentrée des classes prochainement, on rappelle aux parents : « On est prié aussi de prendre note qu’aucun élève ne sera reçu dans ces trois maisons d’enseignement sans avoir obtenu une carte d’admission […]. Pour obtenir cette carte, chaque enfant doit produire un certificat de vaccination. Que les parents y voient dès maintenant. »

Pour un bref instant, on a l’impression qu’en 100 ans, rien n’a changé.

Mais sur la même page, le ministre de l’Agriculture s’adresse aux agriculteurs et au clergé. « Gardez votre sang froid », leur demande-t-il. La mauvaise récolte de cette année risque de provoquer une crise. « Il faut empêcher la panique, qui ne peut qu’empirer les choses […] Il y a des hauts et des bas en agriculture comme dans le commerce et il ne faut pas cesser d’espérer. » Le ministre demande même aux curés de lire sa lettre en chaire (durant la messe).

Alors on se souvient. Même s’il y a des routes pavées et des automobiles, même s’il y a le train qui permet de se rendre à Joliette et d’en revenir dans une même journée, même si le téléphone permet la communication instantanée, et même si les vaccins protègent déjà les enfants de quelques maladies, en 1921, la majorité de nos prédécesseurs vivent encore de leur terre, labourée de leurs deux mains.

Légendes jérômiennes

S’il y a une chose qui ne change pas, cependant, c’est peut-être notre crédulité.

En première page, la rubrique Le coin des anciens Jérômiens traite avec humour des légendes populaires qu’on s’échangeait autrefois. Un guérisseur aux pouvoirs surnaturels se révèle être (oh, surprise!) un charlatan. Un loup-garou poursuit une carriole et sème l’émoi dans la ville… avant qu’on découvre que ce n’est qu’un farceur sur un toboggan habillé d’un manteau de buffle en lambeaux!

« Le merveilleux ne s’alliait pas forcément au surnaturel. La chronique jérômienne s’est ornée de fort belles légendes de monstres terrestres ou marins et dont le plus célèbre et le plus durable fut le serpent de mer du lac des Sables, gros comme un quart à fleur, affirmaient de nombreux témoins oculaires prêts à confirmer le fait sous serment », peut-on lire.

J’éprouve une certaine nostalgie pour ces légendes urbaines habitées de monstres fantastiques et mystérieux, plutôt que par des conspirations mondiales. La prochaine fois que j’irai à Sainte-Agathe, je scruterai les eaux pour, peut-être, apercevoir ce monstre.

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