Guérir par la musique
Par Aurélie Moulun
Yvon Rioux est le propriétaire et fondateur du Studio Newton à Morin-Heights. Le 13 juillet dernier, il lançait la chanson « Au paradis d’Amy » avec Ariane Turbide Roy.
Amy Gagné est la jeune fille de 16 ans qui est décédée après être tombée dans la rivière du Nord à Sainte-Adèle en mai dernier. À la suite des événements, Yvon Rioux a accueilli sa meilleure amie Ariane à bras ouverts. Dans son studio sombre, intime et chaleureux à Morin-Heights, Yvon Rioux nous raconte son parcours avec la jeune Ariane.
« Quand la petite Ariane est arrivée ici, c’était difficile de mettre des mots sur sa peine. Tu as beau les écrire, mais c’est difficile. Alors, on est allé sur le bord de la rivière, en bas, et je lui ai dit : ‘’Là, tu vas me donner plein de mots. Genre : rivière, noyade.’’ Plein de mots qui se connectaient, qui étaient interreliés. Une fois qu’elle est partie, j’ai fait une chanson avec les mots qu’on avait », explique M. Rioux. Le duo a d’ailleurs tourné un vidéoclip pour accompagner la chanson.
« Je garde de cette expérience un don de soi. Parce que la petite, il a fallu qu’elle travaille là-dessus, sur l’interprétation de la chanson, sur comment comprendre les mots, sur la mélodie. Elle, ça lui a fait un grand bien. Moi, si ça lui a fait du bien, ça me fait du bien », ajoute Yvon Rioux.
La communauté aurait également bénéficier de ce projet d’après lui. « Les commentaires des gens qui étaient écrits sur Facebook, c’était une façon pour les gens aussi d’évacuer leur peine. Pour les parents qui ont des enfants et ceux d’Amy, puis pour les amis d’Ariane et d’Amy. Ça n’a pas été facile et
ça ne sera pas facile pour longtemps », lâche-t-il.
Décortiquer ses émotions
Le studio d’Yvon Rioux fonctionne de façon particulière. Ce sont les travailleurs sociaux qui emmène des enfants ayant des troubles de toutes sortes au studio. Puis, Yvon travaille avec chacun d’eux afin de mettre des mots sur les émotions qu’ils ressentent. Le but est de trouver la source des difficultés vécues par les jeunes.
« Je pointe des mots et il y a toujours un mot qui vient chercher le jeune. À partir du moment où on a pointé un mot, on commence à travailler et là tranquillement, ensemble, on s’ouvre », explique le propriétaire du studio.
La musique, thérapeutique ?
Bien qu’il spécifie ne pas être psychiatre, Yvon Rioux croit fermement en le pouvoir de la musique et de la chanson. « En fait, la chanson sert de support à être capable de pouvoir faire éclater ce qui est pogné ici, dans la gorge. Je pense que la chanson, surtout quand on en fait partie, comme le cas de la petite Ariane, qui travaille dessus parce qu’elle aime la musique, c’est certain qu’il y a des bénéfices. Je suis convaincu de ça et il n’y a personne qui pourrait me faire croire au contraire. »
Pour lui, l’écriture même est une forme de délivrance. « C’est un peu spécial parce que quand t’es triste et que tu écris, même si ce n’est pas structuré, ça fait tellement de bien d’écrire une phrase ! De dire : ‘’ Là, aujourd’hui, j’en ai plein le pompon, j’en ai plein l’assiette, je suis à boute. ‘’ Juste d’écrire ça sur une feuille, ça fait du bien. Alors tu imagines quand on met de la musique sur des mots, que tu étales ta sensibilité sur des lignes mélodiques ! »
Des projets comme celui d’Ariane, ce sont ce qui motivent Yvon Rioux à poursuivre son travail auprès des jeunes. « Ariane m’avait réécrit pour me dire qu’au mois de mai, à l’école, elle voudrait refaire la chanson, mais avec le prof de musique et monter une sorte de petite chorale. » Elle lui avait donc demandé l’autorisation de réaliser ce projet en même temps de lui demander un coup de main pour le faire.
« Alors, j’ai dit oui, Ariane, tu peux compter sur moi. Je vais participer à ça, parce que ça fait du bien de prendre soin des autres. »