(Photo : Deposit)

Comment les villes s’adaptent-elles aux évènements extrêmes ?

Par Marie-Catherine Goudreau

Avec des informations de France Poirier et Simon Cordeau 

Le 9 août dernier, de 120 à 150 mm de pluie sont tombés en une journée dans les Laurentides. Bien que la région n’a pas été la pire touchée, plusieurs ménages ont subi des inondations, des routes ont été affectées et des ponceaux ont été brisés. Les villes doivent plus que jamais réfléchir à leurs infrastructures municipales et les adapter aux évènements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents.

Selon le maire de Prévost, Paul Germain, son conseil municipal a des réflexions à ce sujet depuis plusieurs années. « On le voyait venir. » La Ville a déjà mis en place plusieurs infrastructures pour prévenir des dommages. Par exemple, sur le boulevard du Lac-Saint-François, la Ville a refait la route et le drainage. De plus, le stationnement de la gare a été conçu sur du pavé alvéolé qui permet de laisser l’eau mieux pénétrer le sol. « Il faut continuer cette réflexion. Quand on réhabilite une rue, on le fait aux standards d’ingénierie, mais ce n’est pas assez. Il faut sortir du livre d’instructions », dit M. Germain. Selon le maire, les villes doivent revoir leur façon de faire et implanter encore plus de bassins de rétention ou de jardins de pluie.

« Il faut gérer ça de la gouttière à la rivière. À chaque étape, il faut essayer de trouver des solutions. » – Paul Germain

Les travaux publics s’adaptent

À Saint-Jérôme, plusieurs secteurs ont été beaucoup affectés par les pluies diluviennes alors que des ruisseaux et des rivières sont sortis de leur lit. « Les équipes ont été très efficaces. Avant, les routes se désagrégeaient. Maintenant, ils ont mis de la grosse pierre et prévoient dans leurs travaux que les coups d’eau seront plus durs. Nos routes sont faites de manière différente », explique le maire, Marc Bourcier.

La Ville a d’ailleurs effectué des travaux pour décroiser les égouts afin de réduire les déversements dans la rivière du Nord. Puis, parmi les projets pour adapter les infrastructures, le maire mentionne entre autres le stationnement écologique au parc Melançon, où se trouve la patinoire Bleu Blanc Bouge. Il y aura aussi des bassins de rétention pour rediriger l’eau vers la nappe phréatique plutôt que dans les égouts. Le Fonds vert de la Ville permettra notamment de participer à l’adaptation et la construction de ces infrastructures.

Des actions déjà en place

Du côté de Sainte-Adèle, la Ville travaille depuis deux ans à mettre en place un système d’égout pluvial. Elle a aménagé un bassin de rétention au pied du parc des Pentes 40-80. Elle a aussi créé un réseau pluvial sous les rues Émile-Cochand et Follereau, ainsi que le chemin du Chantecler, et les travaux se poursuivront sur les rues Morin, Grignon, Beauchamp et Richer en 2025 et 2026.

Selon la mairesse, Michèle Lalonde, ce nouveau système d’égout pluvial aidera certainement lors de grosses pluies. « La ville a une géographie très montagneuse. Donc quand il y a de l’eau, ça descend ! »

« On a été chanceux lors des grosses pluies [du 9 août]. Sainte-Adèle n’a pas été très touchée », se réjouit la mairesse. Mais elle se souvient que le 23 juin dernier, « on y a goûté ». Le chemin du Mont-Gabriel avait dû être fermé et des quartiers s’étaient retrouvés enclavés. « On a eu la même chose du côté de Mont-Rolland. Le chemin des Cimes s’était brisé en deux. »

À Saint-Sauveur, la Ville travaille actuellement sur un plan directeur de drainage pour le réseau des eaux pluviales. Ce plan devrait être adopté en décembre.

« Toutes nos nouvelles réflexions sont basées sur les recommandations du plan pour éviter les débordements et améliorer la qualité de l’eau qui s’écoule vers les lacs et rivières », explique Sébastien Bouchard, directeur du Service du génie de la Ville de Saint-Sauveur.

Lorsqu’elle refait des rues, la Ville s’assure d’avoir des fossés de drainage avec plus de capacité. On a aussi installé des pluviomètres pour calculer la quantité de pluie ou de neige qui tombe précisément à Saint-Sauveur. Puis, on a implanté des bassins de rétention comme dans le secteur du Domaine de La Marquise où il y avait des problèmes d’inondation. « On a tout revégétalisé le milieu humide. »

Prévoir le futur et améliorer le passé

Pour les nouveaux projets de développement, les villes demandent de prime abord d’inclure des infrastructures pour prévenir les inondations. Mais le défi se trouve surtout dans les vieilles infrastructures où le terrain ne permet pas nécessairement la construction d’un élément de gestion des eaux pluviales. « Il y a 50 ans de retard à rattraper », indique le maire de Saint-Jérôme.

Selon M. Germain, maire de Prévost, il est plus facile d’inclure des principes de biorétention pour des futurs projets, comme des écoquartiers. « On a une emprise sur le futur. Mais c’est le passé qui est difficile », dit-il.

À Saint-Sauveur, « tous les projets promoteurs doivent répondre au règlement d’infrastructure et de gestion des eaux pluviales qui comportent des exigences. Ils doivent comprendre des infrastructures, comme des bassins de rétention », explique M. Bouchard.

Les espaces représentent un défi alors que le territoire ne permet pas nécessairement la construction de grandes infrastructures ou encore, la position de la nappe phréatique n’est pas idéale. Dans la municipalité montagneuse de Piedmont, il est difficile de trouver les endroits où installer des bassins de rétention par exemple. « Quand on a un quartier en construction, c’est facile d’en inclure un. Mais c’est plus compliqué dans un quartier déjà construit », explique le maire, Martin Nadon.

Dernièrement, la Municipalité a dû refaire les chemins des Massifs et Eddy, qui avaient été affectés par des pluies abondantes. Selon le maire, « il faut faire plus d’inspections afin d’arriver à prévoir si les infrastructures vont tenir le coup ».

Financement du gouvernement 

La semaine dernière, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) a réitéré aux gouvernements du Canada et du Québec « l’urgence d’agir pour faire face aux défis imposés par les changements climatiques ».

« Une étude réalisée par WSP en collaboration avec Ouranos estime à plus de 2 milliards de dollars par an, jusqu’en 2055, les surcoûts nécessaires pour entretenir, remplacer et adapter les infrastructures existantes au climat futur. […] Dans les derniers jours, le gouvernement du Québec évoquait un montant de 5,6 milliards de dollars mis à disposition des municipalités à travers divers programmes. Cependant, ces fonds, entièrement utilisés par les municipalités, sont étalés sur plusieurs années et sont destinés au maintien des actifs et non à l’adaptation des infrastructures aux changements climatiques », déplore l’UMQ dans un communiqué.

Le maire de Prévost est du même avis. « Le gouvernement ne donne pas l’aide qu’on voudrait. […] Les villes sont responsables de 60 % des infrastructures publiques. Il va y avoir un choc un moment donné. Et malheureusement, c’est encore la classe moyenne qui va payer par les taxes foncières », explique M. Germain. « Je pense que le gouvernement ne réalise pas l’ampleur de la problématique. »

Est-ce que la population est prête à investir dans ces infrastructures ? Selon le maire de Saint-Sauveur, les citoyens sont très sensibilisés par les inondations qu’on a pu voir dans les derniers mois. « Je crois que les citoyens ne veulent pas en arriver à être inondés et pour cela, il faut investir dans notre réseau et le mettre à jour », souligne M. Gariépy. « La population est plus en faveur qu’on investisse dans notre réseau qu’il y a 15 ans. »

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