« Cinq femmes en un mois ont été victimes. On attend quoi? »
Par Ève Ménard
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Milène Baillargeon a étudié en travail social avec Myriam Dallaire, qu’elle côtoyait aussi à l’extérieur de l’école. Elle se remémore cette jeune femme comme étant « pétillante d’énergie », très drôle et généreuse. Bien que les deux femmes s’étaient perdues de vue depuis leurs études, Milène était complètement dévastée d’apprendre ce qui lui était arrivé.
Cet évènement a déclenché chez elle une volonté d’agir. Au lendemain de la nouvelle, elle contactait déjà les organismes. Elle avait un cri du cœur à faire passer : « Cinq femmes en un mois ont été victimes. On attend quoi? Est-ce qu’on attend le prochain mois pour refaire le décompte? L’urgence, elle est maintenant. On ne peut plus attendre. Il ne suffit plus d’améliorer la situation, il faut tout mettre en branle pour que ça s’enraye. »
Milène a aussi vécu de la violence conjugale. Le 27 décembre dernier, elle est arrivée en maison d’hébergement au Mitan, à Sainte-Thérèse, où elle est restée trois semaines avec sa fille de 3 ans. Aujourd’hui, elle reprend progressivement le contrôle sur sa vie, sans nous cacher que ce n’est pas toujours facile, autant mentalement que financièrement. Milène est intervenante sociale et travaille dans un centre de femmes à Saint-Jean-de-Matha. Au départ, lorsqu’elle appelait des ressources, elle avait honte de dire qu’elle était intervenante. Personne n’est à l’abri de la violence conjugale.
Des ressources qui ont prouvé leur succès
Lorsqu’elle s’est réfugiée au Mitan, il s’agissait d’un second séjour en maison d’hébergement pour l’intervenante. Deux expériences qu’elle qualifie de très positives. La députée de Québec solidaire et porte-parole du deuxième groupe de l’opposition en matière de Condition féminine, Christine Labrie, soutient que les organismes présents savent comment bien accompagner les victimes « Les ressources connaissent les facteurs de risque et savent comment aider les femmes à s’en sortir. » Il ne faut donc pas hésiter à les contacter.
Fannie Roy, coordonnatrice à la Maison d’Ariane depuis 13 ans, envoie le même message, mais aussi à l’égard des proches. Elle appelle à demeurer vigilant, particulièrement lorsque nous sommes au fait d’une séparation dans notre entourage. Au moindre doute, elle encourage les proches – autant la famille et les amis que le voisinage, les employeurs ou les collègues de travail – à contacter une maison d’hébergement. « Il n’est pas nécessaire de savoir s’il s’agit de violence conjugale ou non », rappelle la coordinatrice. « Le rôle premier des intervenantes est justement d’évaluer les signes et en fonction de ceux-ci, d’orienter les scénarios de protection. »
« Nous avons tous ce rôle à jouer »
Il faut absolument se détacher de la perception selon laquelle ce qui se passe dans la vie privée des gens ne nous concerne pas. Lorsqu’il y a un doute par rapport à la vie de quelqu’un, il est légitime de lever le voile sur la confidentialité, soutient Fannie Roy. « Nous sommes tous le proche de quelqu’un. Nous avons tous ce rôle à jouer. » Elle assure aussi que les ressources sont extrêmement flexibles et s’adaptent aux différentes réalités. Il n’est pas non plus nécessaire pour la femme en difficulté de venir en hébergement pour obtenir des services. Il est possible d’entretenir notamment des relations d’aide téléphonique à distance. La coordonnatrice rappelle aussi qu’il n’y a aucune nécessité de vouloir quitter la relation pour faire appel aux organismes. Toutes les situations sont accueillies et évaluées selon les besoins.