Où est allé tout ce monde?
Par Frédérique David
J’écrivais régulièrement dans ces pages il y a quelques années, peut-être même une décennie. Va savoir, le temps passe si vite! Ceux qui me lisaient alors se souviennent aussi de cette époque où la vie avait encore des espaces de liberté et l’avenir des couleurs d’espoir. Les ados se frenchaient en jouant au Beer-Pong pendant que leurs parents plongeaient des légumes dans la même trempette de leurs interminables 5 à 7. On postillonnait dans les micros des karaokés en chantant Bobby McFerrin à tue-tête et on n’avait jamais entendu parler de test PCR. Depuis, nous sommes entrés dans un mauvais film de science-fiction qui rejoue inlassablement tandis que nous cherchons en vain le bouton off.
Depuis, nous avons appris à faire sans : sans vie culturelle, sans sortie au resto, sans voyages improvisés, sans montrer nos sourires, sans embrasser nos amis, sans tenir la main des enfants et c’est ça le pire! Depuis, nos vies sont sens dessus dessous. Les grands-parents rêvent d’embrasser leurs petits-enfants.
Les sans-abris sont encore plus sans. Les jeunes pleurent ces années d’insouciance volées à tout jamais pour préserver un avenir qu’ils n’ont pas choisi, pour des promesses de vie qui ne portent même pas leurs valeurs, parce qu’on ne les a pas écoutés, parce qu’on ne les a pas consultés, parce qu’on n’a pas jugé nécessaire de leur demander à quoi leur demain devrait ressembler.
Il est bien triste de constater aujourd’hui que ces années de politique paternaliste n’ont fait qu’imposer aux futures générations des décisions dont ils payeront longtemps le prix. Les Greta Thunberg de ce monde, malgré toute leur volonté, malgré toute leur clairvoyance, ont frappé un mur d’égoïsme et d’arrogance. On s’étonne ensuite de constater que la détresse psychologique des jeunes est en hausse. Un jeune de 12 à 25 ans sur deux souffrirait de symptômes liés au trouble d’anxiété généralisée ou de dépression majeure, selon une enquête menée par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke l’an dernier. On s’entend tu que le nombre n’a fait qu’augmenter depuis et que ce n’est pas la simple campagne Bell cause pour la cause qui va arrêter l’hémorragie?
Nos jeunes vont mal et ceux qui tentent de leur venir en aide sont à bout de souffle. Trouver un psychologue pour un jeune en détresse est un défi sans nom.
Il faut s’attendre à faire 25 appels dans un rayon de 50 km pour espérer décrocher un rendez-vous au privé. Au public, on n’ose plus rien prédire, d’autant plus que des psychologues sont actuellement appelés à faire la job d’un préposé aux bénéficiaires. Cherchez l’erreur! Bref, les réseaux sociaux débordent de messages de parents désespérés qui s’en remettent à la suggestion de n’importe quel quidam pour aider leur enfant. Les psychoéducateurs des écoles secondaires, des cégeps et des universités pleurent le soir dans leur voiture parce qu’un autre jeune a décroché et parce qu’ils se sentent impuissants devant tant de signaux de détresse. Les enseignants jouent aux psy devant des classes qui se vident.
Notre jeunesse est dans un Titanic qu’on fait couler plus vite à force d’ignorance, de bris de services et de mesures sanitaires qui les privent de leurs amis, de leurs amours et de toutes les expériences essentielles à leur développement.
On a éteint les lumières d’espoir pour un avenir meilleur qu’ils avaient allumées en 2012. On a piétiné ces réflexions, ces idées et ces projets qui leur permettaient d’avancer.
« On a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter. »