Les résolutions, qu’ossa donne?

Par Mimi Legault

Dans ma vie, je n’ai jamais pris de résolutions qui aient tenu pendant dix jours et encore, je suis bonne avec moi-même… Je suis contre toute forme d’obligations qui rendent mon quotidien odieux. Je suis anti-résolutions, anti-diètes, anti tout court : souvent, ça dépend du cas. Le carême par exemple où il ne fallait pas manger de friandises pendant quarante jours. Pire que ça : pendant cette folle période, ma mère avait décidé de couper toute nourriture qui débutait par un P. Donc pas de pâtisseries, de patates, de pâtés, de pizzas, de pâtes, de porc, poulet, poisson : elle exagérait. Pourtant, on lui avait dit un million de fois de ne pas exagérer. Elle perdait dix livres et sa joie de vivre. Après Pâques, elle reprenait tout ce qu’elle avait perdu.

Et le vendredi? Défense de manger de la viande. Eh bien moi, j’en avais décidé autrement. Plus capable des salades de thon et des poissons de toutes sortes. J’avais dix ans. Ma décision était prise : dorénavant, je voulais manger de la viande quand ça me plairait. Je suis donc allée chez notre médecin de famille (savez au temps où tout fonctionnait bien à la Santé au Québec…) qui était également un ami de mes parents. Il se prénommait André. Me voilà assise dans sa salle d’attente. En m’apercevant, il avait fait un saut en réalisant que j’étais venue seule. Je veux vous parler, André, lui avais-je dit. Il me demanda pour quelle raison je le vouvoyais. C’est parce que c’est le médecin que j’étais venue voir.

Je lui expliquai que je faisais désormais de l’anémie et que je me devais de manger de la viande même le vendredi. Je revois encore son sourire en coin. Il embarqua dans mon jeu et signa mon billet médical. Le vendredi fatidique arriva. Dans la cuisine, maman était en train de préparer une délicieuse sauce aux œufs, qu’elle disait (wouache). C’est ce moment que je choisis pour glisser mon papier de médecin sur le comptoir. J’ignore pourquoi, mais j’avais remarqué que ma mère prenait toujours un air suspicieux quand je lui remettais un billet. M’enfin. Je la revois encore lire le mot d’André, le relire et le re-relire en retournant ledit papier de tous les bords. Elle n’a pas dit un mot, mauvaise augure, mais juste au moment de sortir de la cuisine, elle m’avait dit : jusqu’à quand Mimi abuseras-tu de ma patience? Lorsque le souper arriva, mes sœurs furent servies, sauf moi. Je fixai mes parents (mon père avait l’air de se retenir de rire, mais je ne l’aurais pas juré). Maman me fit un signe de sa main : ta boulette de steak haché (au fait, a-t-elle dit steak athée) est sur le comptoir, fais-la cuire, je ne veux pas être complice de ton péché. Chère maman… J’ai su plus tard qu’elle avait passé tout un savon à docteur André!

J’ai une amie qui a appris l’année dernière qu’elle avait une possibilité de diabète, pas un début, une tite probabilité. Elle s’astreint désormais à une diète sévère, strict maximum. La pôvre. Elle se prive de tant de choses. Elle mérite la palme d’or, la première place sur le podium. Moi? J’en serais incapable. Je dois être atteinte du syndrome du paradis terrestre lorsque Eve et Adam ne devaient point manger de pomme.

Non vraiment, les résolutions, pas pour moi. C’est Jules Renard qui a dit qu’elles étaient comme des anguilles. Une fois prises, elles nous échappent. Mais le mot de la fin revient à ma mère. Un soir de rencontre familiale un 31 décembre, papa nous demanda de réfléchir quelques instants et de révéler la résolution que chacun avait prise pour la nouvelle année. Pour nous rendre à l’aise, il débuta le premier. Moi, avait-il dit, je prends comme résolution d’aimer plus fort votre mère et de la choyer encore plus que l’année qui vient de se terminer. Nous fîmes un tour de table et arriva celui de maman. C’est avec un sourire coquin qu’elle déclara : moi, ma résolution, c’est de voir à ce que votre père tienne la sienne!

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