Bande riveraine : Des citoyens exigent un moratoire pour les amendes salées
Par Luc Robert
De nombreux propriétaires riverains, dont plusieurs provenant du secteur du lac Connelly, ont exigé mardi soir, 8 octobre, que le conseil municipal de Saint-Hippolyte cesse d’émettre temporairement des contraventions dans le dossier des bandes riveraines.
Les autorités ont décidé d’appliquer un règlement adopté en 2007, interdisant toute activité dans les cinq premiers mètres des bords de cours d’eau du territoire. Or, la quasi-totalité des citoyens réunis ont déploré que les évaluations et exigences varient d’un inspecteur à un autre, alors qu’ils essaient de se conformer au meilleur de leurs connaissances aux règles. Les amendes varient actuellement de 1 326 $ pour un propriétaire privé à 2 500 $ pour une société, selon les constats.
Tenir compte du passé
Les mécontents ont fait valoir que les inspecteurs ne tiendraient pas compte de l’historique des terrains et de leur morphologie, avant de prendre des décisions et d’émettre des amendes. Il est connu que dans le secteur du lac Connelly, les aménagements de limites de terrains sont souvent incongrus, en raison des subdivisions sommaires datant majoritairement du début des années 1900.
« Certaines procédures ont été faites de façon cavalière et sauvage. Les choses ont évolué de 2007 à 2024 : le règlement d’époque se trouve sur le respirateur artificiel. Nous avons été le lac où il s’est vendu aux propriétaires le plus d’arbustes, d’arbres, de plantes indigènes et autres végétaux dans la municipalité. Nous nous conformons aux demandes, mais d’une année à une autre, alors que nous étions conformes en 2023, on reçoit en 2024 la visite d’un huissier, à 7 h du matin dans le cas de ma fille, et on se fait réveiller à coups de poing dans la porte comme si nous étions des criminels, pour nous dire que nous ne sommes plus légaux. Membres du conseil, nous vous avons élus et nous trouvons que vous ne nous respectez pas en retour », a tonné l’ex-président de l’Association des propriétaires et amis du lac Connelly, M. Guy Rondou.
« Il faut également tenir compte de ce qui était là avant. Un gros pin centenaire dont les racines s’étendent très loin rend le sol impénétrable pour planter et faire survivre des arbustes. On a d’ailleurs planté les arbustes exigés et on a rajouté des poches de terre qui font des butons autour. J’ai hâte de voir au printemps si ça poussera et ça tiendra selon vos normes », a ajouté M. Rondou.
Quant à lui, M. Yvan Gingras, président de l’Association des propriétaires du lac de l’Achigan, a servi une mise en garde aux élus.
« Vous avez seulement révisé le tiers des terrains riverains de la municipalité. Il faudrait penser à ajuster votre procédure, sinon, imaginez la visite que vous recevrez quand les autres deux tiers des inspections surviendront », a-t-il prévenu.
Bases d’évaluations
De son côté, la citoyenne Geneviève Ricard s’est demandé sur quelle base les inspecteurs fondent leurs exigences.
« On exige que je plante 45 arbustes ! Il faut regarder ça au cas par cas. Certains terrains et bandes riveraines sont rocailleux. Il y a des pins sur place et le sol est dur. Il faudra planter les arbustes à la pioche et rien ne garantit qu’ils pousseront. Je demande un moratoire sur les demandes et les amendes », a-t-elle évoqué, sous les applaudissements.
Même si de nombreux nouveaux arrivants ont acheté des terrains riverains dernièrement, la conseillère Chantal Lachaine a avancé qu’il leur incombe d’apprendre les règlements municipaux en vigueur.
« Il faut que la Municipalité applique les règlements. C’est le citoyen qui a la responsabilité de s’informer. On ne peut pas changer l’interprétation [d’un riverain] à l’autre. Il doit s’adapter aux normes. »
Un de ces nouveaux venus, M. François Crête, a imagé ainsi sa surprise de recevoir une amende salée.
« Si c’était une amende de 200 $, on payerait sans rechigner. Mais plusieurs riverains sont des travailleurs de la classe moyenne. Je n’ai pas la capacité de payer ce montant excessif. Avez-vous un programme de travaux communautaires à la place ? On dirait que vous appliquez cette amende juste pour obtenir de l’argent. Je n’aurai pas le choix de traîner Saint-Hippolyte devant les petites créances. »
La conseillère Rose Crevier-Dagenais, de nature modérée, a analysé ainsi la procédure.
« Si les règles sont difficiles à interpréter, je crois que le conseil a envoyé [les inspecteurs] sous l’autobus en les envoyant sévir sur le terrain. »
Rigidité d’application
Alors que certains citoyens ne comprennent pas que des inspecteurs aient exigé que des arbres tombés lors de la tornade de juillet doivent être déplacés par les propriétaires dans les 30 prochains jours, d’autres en ont contre le fait d’avoir reçu « trois documents contradictoires de la Ville » dans d’autres dossiers.
« On est d’accord pour mettre des arbustes et aider à la bande riveraine. Mais c’est comme un vol de territoire quand on nous exige de le faire sur un très grand pourcentage de l’espace du terrain. En plus, le procédé de vos agents a été très agressif envers nous », a fait remarquer M. Jean-Pierre Tessier.
Enfin, le maire Yves Dagenais s’est dit ouvert à l’instauration d’un moratoire.
« On est conscient que le processus actuel grafigne. Nous avons formé nos inspecteurs à l’interne. Mais voilà : on essaie d’implanter et d’appliquer le règlement depuis 2007. J’ai bien entendu la demande de moratoire : faites vos propositions aux associations de lacs. On va vérifier s’il y a des incohérences dans nos procédures. On ne voulait pas être coercitifs », a-t-il assuré.