Assurances en vélo de montagne: Des primes 14 fois plus élevées
D’ici novembre prochain, l’organisme Héritage Plein Air du Nord (HEPAN) à Sainte-Anne-des-Lacs verra la prime d’assurance pour ses sentiers de vélo de montagne passer de 700$ à 10 000$, soit un montant 14 fois plus élevé. Mais il n’est pas le seul à vivre cette problématique.
Les organismes gestionnaires des sentiers de vélo de montagne de la région font face à un dilemme. Alors que de plus en plus d’utilisateurs partagent les sentiers, les assureurs se montrent plus réticents et les prix gonflent.
HEPAN, un organisme composé de bénévoles, s’occupe de la gestion du réseau de vélo de montagne de la Forêt Héritage. Depuis l’année dernière, l’achalandage sur leurs pistes a nettement augmenté, alors que l’accès au réseau demeure gratuit. « Ç’a pris des proportions assez grandes. On s’ajuste, mais on est un peu victimes de notre popularité », souligne André Lessard, nouveau président d’HEPAN.
Étant un réseau « plus technique », l’organisme doit s’adapter alors que de plus en plus de nouveaux utilisateurs, souvent débutants, viennent essayer leur réseau. Le Parc de la Coulée à Prévost vit la même situation. Leur assureur laisse la même prime jusqu’en novembre, mais elle augmentera pour la prochaine année.
Pour un organisme qui appartient à la municipalité comme Plein Air Sainte-Adèle, c’est plutôt la Ville qui est en charge des assurances civiles pour tous les parcs du territoire. « Ce sont surtout les assurances en sécurité civile qui ont augmenté, notamment pour les pump tracks et le skate park. On parle d’une hausse 171% », explique Nadine Brière, mairesse de Sainte-Adèle.
Sacha Vaillancourt est vice-président et directeur d’unité – Sports et loisirs et films, médias et spectacles chez BFL Canada. Il s’agit de l’une des plus grandes firmes de courtage d’assurance et de gestion de risques au pays. BFL se spécialise entre autres dans l’assurance sportive et fait affaires avec plusieurs organismes de la région.
« C’est mondial. Les assureurs sont beaucoup plus frileux qu’il y a deux ans », explique-t-il. « Au niveau du sport, le nombre d’assureurs diminue et les marchés sont très limités présentement. »
Cette hausse dans les primes d’assurance peut être expliquée en partie par un facteur global qui touche l’ensemble du milieu de l’assurance, selon M. Vaillancourt. « 2017 et 2018 ont été des années catastrophiques pour les assureurs. Ils ont eu beaucoup de pertes. Par conséquent, les primes augmentent de façon significative et les assureurs sont moins enclins à prendre des risques. » Ces derniers avaient « plus d’appétit » dans les 15 dernières années et les courtiers avaient plus de choix à offrir à leurs clients. Dans la situation actuelle, certains assureurs se sont retirés du milieu du sport et il n’y a plus d’offres dans le marché.
Chez BFL, il y a un seul partenaire qui accepte de couvrir ce type de risque, soutient M. Vaillancourt. « On travaille avec une trentaine d’assureurs, on a un département très spécialisé au niveau des sports, et parmi tous les joueurs, il n’y en a qu’un seul qui accepte de regarder ce type de risque. Et il ne les accepte pas tous. »
Se regrouper pour sensibiliser
Francis Tétrault, chargé de programme en vélo de montagne chez Vélo Québec, croit que cette hausse des assurances est en partie due à la méconnaissance du sport par les assureurs. C’est pourquoi l’organisme veut faire un travail de sensibilisation auprès des compagnies d’assurance pour qu’ils comprennent mieux comment évaluer les risques dans les sentiers, explique-t-il. Pour répondre à cette problématique, le Réseau Plein air Québec, un organisme qui rassemble 11 fédérations de plein air dans la province, a mis en place le comité « Assurance en plein air » il y a un peu plus d’un mois. Leur objectif est de répertorier et documenter tout ce qui existe dans le milieu.
« On se demande : qu’est-ce qu’il y a eu réellement comme historique de réclamation ? Est-ce que cet historique est conséquent avec la frilosité des assureurs ? », explique Annick St-Denis, directrice générale du réseau. Le comité travaille actuellement à documenter l’étendu des sites, le nombres de pratiquants, les types d’assurances qu’ils possèdent, les lacunes, etc.
Elle pense qu’il faut se tourner vers un produit plus adapté à la réalité du plein air. « Il y a des polices d’assurance développées pour le milieu du sport compétitif, mais les gens du plein air font leur sport en pratique libre et ne sont pas membres d’un organisme. » Cela cause de la résistance pour les assureurs.
Selon Mme St-Denis : « Il faut faire un pas de recul pour faire une bonne évaluation et arrêter de considérer le plein air comme une pratique à risque. » Elle soutient qu’il n’y a aucune donnée qui vient appuyer ce sentiment de risque.
Sacha Vaillancourt de BFL Canada croit qu’il s’agit d’une bonne initiative pour sécuriser les assureurs. « On est toujours plus fort en groupe », déclare-t-il. Quand il y a plus de clients, « le risque est dilué dans la masse ».
La responsabilité des organismes
La pratique du vélo de montagne engendre aussi un facteur de risque plus spécifique qui rend les assureurs plus réticents : les activités ne sont pas encadrées et tout le monde peut les pratiquer. « Ce qui est important, c’est de démontrer que l’entretien est fait régulièrement, par exemple. La signalisation est aussi hyper importante pour sécuriser l’assureur », souligne M. Vaillancourt.
Pour les organismes, tout commence donc par le design et l’aménagement des sentiers, selon Francis Tétrault de Vélo Québec. « Les organismes et les bénévoles n’ont pas une obligation de résultats, mais une obligation de moyens. C’est-à-dire démontrer qu’ils ont pris tous les moyens en leur capacité pour mieux gérer et accompagner. »
Par exemple, le Club du Parc de la Coulée a enlevé les rampes et les équipements pour faire des cascades afin de décourager les cyclistes à prendre des risques. « On est vraiment axé sur la sécurité. Il y a quelques pentes plus raides et difficiles, mais c’est indiqué », explique Yves Lanoix, président du conseil d’administration de l’OBNL.
À Sainte-Adèle, que ce soit pour le ski de fond ou le vélo, les pistes plus difficiles ou expertes sont signalées dans les sentiers. « C’est vraiment au niveau de la signalisation qu’on travaille, comme nos assureurs nous le demandent », explique Mme Brière. Il y a des avertissements comme « pente abrupte » ou « saut » pour informer les gens.
Du côté d’HEPAN, il reste du travail à faire au niveau de la signalisation et de la sécurité, croit André Lessard.
« On est tous des bénévoles. On s’investit et on s’ajuste à notre popularité. […] Il n’y a pas longtemps, on était le secret le mieux gardé des Laurentides ! »