Amiante dans les bâtiments: Une carte interactive comme outil de prévention
Par Ève Ménard
Une carte interactive produite par l’Association pour les victimes de l’amiante au Québec (AVAQ) permet de localiser plus de 3 700 bâtiments publics au Québec, comme des écoles et des hôpitaux, qui contiennent de l’amiante.
Le nombre de bâtiments recensés ne surprend pas l’organisation. L’amiante a été énormément utilisée en construction jusque dans les années 1990, notamment pour l’isolement et la résistance au feu des bâtiments, indique Norman King, épidémiologiste et conseiller scientifique à l’AVAQ.
Depuis le 15 février 1990, l’utilisation de l’amosite et la crocidolite, des variétés d’amiante, sont interdites au Québec. Au Canada, l’amiante est interdite depuis 2018. Le minerai demeure toutefois présent dans divers bâtiments, comme le démontre ce registre public. Dans les Laurentides, des bâtiments contenant de l’amiante sont notamment situés à Saint-Jérôme, à Sainte-Adèle et à Sainte-Agathe-des-Monts, dont l’Hôpital de Saint-Jérôme, l’école Saint-Stanislas, l’école Marie-Rose, l’école secondaire A.-N.-Morin et l’Hôpital Laurentien.
Prévenir et informer
Lorsqu’un matériel qui contient de l’amiante est en bon état, « il n’y a absolument aucun problème », assure Norman King. À l’état inerte, ces matériaux ne présentent donc aucun danger. C’est lorsque des travaux sont réalisés dans un bâtiment contenant de l’amiante qu’il y a des risques importants pour la santé. Les réglementations en vigueur pour prévenir l’émission et l’inhalation de fibres d’amiante doivent alors être appliquées. La carte interactive agit donc comme un outil de prévention. Des travailleurs pourraient, par exemple, consulter cette carte pour savoir si le bâtiment dans lequel ils travaillent contient de l’amiante.
L’AVAQ n’a pas étudié l’application des protocoles, souligne Norman King. On ne sait donc pas dans quelle mesure les règlements sont appliqués sur les sites de travail. « Par précaution, on dit voici l’information, sachez que ça existe. Si jamais vous entendez parler de travaux à faire chez vous, sachez qu’il y a des règlements à suivre. C’est dans notre espoir que les quelques lieux où ça ne se fait pas vont être de plus en plus enclins à prendre ces précautions », explique l’épidémiologiste.
L’exposition aux fibres d’amiante peut également survenir dans un bâtiment en mauvais état. « S’il y a eu des dégâts d’eau par la toiture, si le mur commence à être un peu pourri, à ce moment-là, il va aussi se dégager des fibres d’amiante », explique Norman King. « Si on sait que le bâtiment contient de l’amiante dans ses structures, il faut absolument faire de l’entretien préventif pour s’assurer que la matériel reste en bon état ». La prévention s’adresse donc à tous, et pas seulement aux travailleurs.
Sachant que des écoles contiennent de l’amiante et que certaines de ces infrastructures nécessiteront des travaux de rénovation ou des agrandissements, la prévention est primordiale. « Dans ces écoles, il faut s’assurer qu’en attendant de faire des travaux, elles restent en bon état pour éviter que les poussières et les fibres se retrouvent dans l’air », prévient Norman King.
Et au niveau résidentiel ?
Pour l’instant, la carte de l’AVAQ n’inclut pas les immeubles résidentiels. L’organisation espère toutefois convaincre les municipalités d’exiger un test d’amiante aux propriétaires qui veulent rénover leur logement. Norman King propose qu’avant d’octroyer un permis pour des rénovations, la Municipalité demande aux propriétaires de faire une analyse pour déterminer si l’immeuble contient ou non de l’amiante.
« Dans un milieu résidentiel où le propriétaire engage une compagnie, les travailleurs sont protégés par les lois et les règlements qui relèvent de la CNESST. Mais si M. Tremblay décide de faire les travaux lui-même, il n’y a pas de travailleurs comme tel. Donc, il n’y a rien qui protège personne, d’où notre suggestion d’exiger un test pour voir s’il y a de l’amiante et si oui, d’engager des entrepreneurs spécialisés », illustre le conseiller scientifique à l’AVAQ.
Questionné à ce sujet, le maire de Saint-Jérôme, Marc Bourcier, explique qu’il s’agit de mesures provinciales, et non municipales. Il donne l’exemple des bâtiments sur la rue Castonguay, pour lesquels d’importants vices de construction avaient été découverts en 2021. « C’est le code du bâtiment qui gérait ça, ce n’était pas la Ville. Eux, c’étaient des vices de construction, mais s’il y avait eu de l’amiante, ça aurait été la même chose. Donc, ce n’est vraiment rien de municipal, c’est vraiment le code du bâtiment qui gère ça », illustre Marc Bourcier.
À savoir si l’idée d’exiger un test d’amiante en amont des rénovations est possible, le maire de Saint-Jérôme répond que ça ne l’est pas « pour l’instant ». Il ajoute : « tant que rien n’est légiféré là-dessus, on ne peut pas ».
L’amiante : Les risques pour la santé
« Les fibres d’amiante contenues dans certains matériaux friables peuvent se détacher très facilement, surtout lors de manipulations, de chocs ou de vibrations. Extrêmement fines, parfois invisibles à l’œil nu, ces fibres se propagent alors dans l’air ambiant. Et c’est là le danger. Lorsqu’une personne respire des fibres d’amiante, plus le nombre de fibres inhalées est grand, plus la période d’exposition est longue, plus le risque pour la santé est important », peut-on lire dans un aide-mémoire de la CNESST sur les dangers de l’exposition à l’amiante.
Entre autres, l’exposition aux fibres d’amiante peut augmenter les risques d’amiantose, une fibrose pulmonaire, de cancer du poumon et de mésothéliome, un cancer assez rare de l’enveloppe du poumon ou de l’enveloppe de l’abdomen.
Source: CNESST – Aide-mémoire sur les dangers de l’exposition à l’amiante et mesures de prévention (2013).