Allez, un effort !

Par Mimi Legault

CHRONIQUE

Lorsque j’enseignais devant une classe d’élèves âgés de dix ans, pendant la période de français, je leur demandais au début de l’année d’écrire cinq phrases. La semaine suivante, une de plus, et ainsi de suite. Rendu à dix ou onze phrases, c’était la panique. Hein, ah non, Mimi ! Et dire que certain(e)s rêvaient d’écrire un jour un roman.

Avec l’IA qui arrive à grandes enjambées, je crains que le mot « effort » disparaisse du dictionnaire. Ça se traduit chez l’adulte. Par exemple, la caissière qui ne sourit jamais. Ça travaille avec le public, ces gens-là. Des fois, je fais des blagues, mais elle demeure sans intensité, un sourire congelé, ben drett, comme si une tige de fer supportait sa colonne. Ce n’était qu’un exemple.

Je trouve que de nos jours, bien des gens se refusent à vivre dans le sens plein du mot. Je sais, avec toutes les bonnes nouvelles de l’oncle Sam des États, (y paraît que Donald Duck a demandé à changer de prénom…) le futur ne s’annonce pas jojo. Même les poules marchent sur leurs œufs.

Quand même, vivre et non pas survivre. Plusieurs d’entre nous sont devenus des patates de sofa. Je concède que l’hiver a squatté notre quotidien. Mais avec l’arrivée du printemps, avant de faire le ménage du garage, faites-le à l’intérieur de vous-mêmes. Je m’inclus là-dedans. J’ai cette mauvaise tendance à me sentir bien dans mon quotidien. C’est comme si en se mariant, on s’installait pour de bon. Plus de risques, une vie immobile, sécuritaire. Stagnante, mais confortable. Une vie lazy boy… Tiens, je ronfle juste à écrire mon texte !

Un jour, je suis allée à une conférence de Bernard Voyer, Québécois, explorateur, aventurier. Une petite idée du bonhomme ? 1970, premières ascensions dans les Rocheuses, expéditions dans la Terre de Baffin, dix treks dans les Alpes françaises, 5 000 kilomètres dans des rivières tumultueuses. J’arrête ici, je vais manquer d’encre. Une grosse pointure !

Pendant deux heures, je suis partie avec lui et ses diapos tantôt en ski de fond, tantôt en montées vertigineuses. Dites, vous avez ça dans votre curriculum vitae ? Un type exceptionnel. J’ai bu chacune de ses paroles comme eau de source. Un pusher de rêves.

C’est là que j’ai compris ce qu’était le véritable effort. L’Homme, dans sa nature, est porté soit à la paresse, soit au découragement. Une volonté de fer en berne avec, parfois, une ambition de feuille morte. Après cette rencontre avec cet homme intrépide, je me suis rappelée une pensée : « Ne crois pas que tu t’es trompé de route quand tu n’es pas allé assez loin. » Allez, un effort !

Je vous raconte un fait vécu qui vient tout juste de se passer hier. J’accompagnais une amie qui devait recevoir une infiltration : quatre vertèbres dans le bas du dos. Appelons-la Marie. Le médecin entre dans le bureau, Marie était déjà installée pour recevoir ses piqûres. Et là, le toubib arrête de siffler. Il regarde la radiographie, fronce les sourcils, fixe Marie. C’est écrit dans le dossier que vous êtes une femme très active physiquement, lui dit-il. C’est vrai que vous marchez une heure par jour, que vous pratiquez quotidiennement le vélo et le golf ? Oui, répond-elle. Eh bien, je ne comprends pas avec un dos aussi magané. Le bas de votre colonne est rempli d’arthrose et d’inflammation. Mon conseil, Marie : continuez ! Ne lâchez surtout pas !

Je vous gage une vieille cenne noire que vous croyez que Marie a 50 ans. Ajoutez 25 années de plus. Oui Monsieur, 75 ans bien sonnés. Si je vous l’dis ! Ah oui, j’oubliais : avant de nous quitter, Bernard Voyer nous a laissé sa maxime favorite : « Rêver, se lever, agir ! » Au risque de me répéter, allez, un effort !

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