Quand l’amour tourne au cauchemar : 4 femmes craignent la libération de Daniel Curran
Par France Poirier
La sentence du restaurateur Daniel Curran tire à sa fin. Il termine une peine d’emprisonnement de douze mois, après avoir plaidé coupable à des accusations de violence conjugale. Des victimes craignent sa sortie. Elles se sont confiées au Journal.
Quatre femmes, toutes dans la quarantaine, racontent avoir subi de la violence physique et psychologique de sa part. Certaines ont même vécu des étranglements. Elles ont été embarrées, nues, à l’extérieur, ou traînées par l’accusé et laissées sur le bord de la route, en pleine nuit.
En témoignant, elles souhaitent non seulement lever le voile sur leur histoire, mais aussi éviter que d’autres femmes ne subissent le même sort. « On a peur, on sait ce qu’il peut faire. Il ne peut pas sortir et continuer sa vie comme si rien n’était, alors qu’il a brisé les nôtres », affirme Catherine*.
De la passion à la violence
Les femmes décrivent Daniel Curran comme un manipulateur narcissique. Pourtant, au départ, il se présente comme un amoureux séduisant, passionné et charmant. Il semble l’amant idéal. Mais rapidement, l’amour tourne au cauchemar.
« Crier des noms, comme ’’esti de pute’’ ou salope, faisait partie de son langage. Après un mois, les comportements violents ont commencé », confie Catherine*. Il y a eu certains signes précurseurs, des red flags comme on dit souvent. Les quatre victimes les ont vus. Mais la passion les a aveuglées. À chacune d’elle, il leur a fait croire qu’elle était la femme de sa vie, qu’il voulait la marier. Elles se sentaient importantes.
Les victimes, que le Journal a réunies, se connaissaient peu avant cette rencontre. En partageant leur histoire respective, elles découvrent qu’elles ont vécu presque la même chose, du même agresseur. En découvrant que d’autres femmes ont vécu une souffrance semblable à la sienne, Sophie* réalise que ce qu’elle a subi avec Daniel Curran n’était pas un épisode de « pétage de coche ». C’était plutôt sa vraie nature, celle d’un homme violent.
La dénonciation
Un jour, Karine* doit se rendre à l’hôpital en raison de fractures. Le médecin qui la rencontre se doute qu’elle vit de la violence conjugale et lui partage son inquiétude. « Le médecin m’a montré les radiographies et il m’a dit: ‘’ Il faut que je vous dise quelque chose. Vous avez une fracture au dos. Je dois vous faire un scan parce qu’il y a un bout d’os qu’on ne trouve pas. Et ça, c’est votre amoureux qui vous a fait ça, criss. J’en vois des hommes rentrer ici parce qu’ils savent qu’ils vont tuer quelqu’un. Et toi tu es toute cassée. Penses-y’’», raconte Karine.
De retour chez elle, Karine se demande si elle devrait dénoncer ou non Daniel Curran. Quelques jours plus tard, la police l’appelle pour savoir comment elle va. Un signalement avait été fait à l’hôpital. « On m’a demandé si je voulais aller les rencontrer. J’ai demandé pourquoi. On m’a répondu qu’on pensait que ça n’allait pas très bien. J’ai senti à ce moment-là qu’on prenait soin de moi. C’était sécurisant et j’ai décidé d’aller les rencontrer. J’ai tout raconté. Et ils m’ont dit qu’ils allaient l’arrêter à l’instant », nous confie-t-elle. Elle a décidé de continuer avec la justice qui l’avait arrêté auparavant et qui l’encourageait à continuer.
Porter plainte ou non ?
Certaines victimes ont porté plainte. D’autres non. La honte, la peur, la culpabilité, le long processus judiciaire ou les explications à donner aux proches : plusieurs arguments sont mentionnés par celles qui ne portent pas plainte.
Parler publiquement est une démarche importante pour certaines femmes. « Moi je vis avec la peur lorsqu’il sera à l’extérieur. Quand je l’ai laissé, j’avais toujours peur qu’il se cache près de chez moi », souligne Sophie*. Même s’il a été incarcéré, les victimes trouvent que la peine n’est pas assez sévère et qu’il s’en sort plutôt bien. La plainte est importante, pour que la justice suive son cours, pour qu’il y ait arrestation et des conséquences.
Ces femmes auraient aimé que plus de victimes portent plainte, pour que la sentence soit plus importante.
« Nous faisons cette démarche pour que d’autres victimes, en voyant nos témoignages, se fassent entendre. Nous croyons à la force du nombre », affirment-t-elles.
De l’aide pour les victimes
Le centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) offre des services à toute personne victime d’un acte criminel et à ses proches, ainsi qu’aux témoins d’un acte criminel. Le soutien du CAVAC est disponible même si l’auteur du crime n’est pas identifié. Les CAVAC travaillent en collaboration avec les intervenants du milieu judiciaire, du réseau de la santé et des services sociaux et des organismes communautaires. L’intervention des CAVAC auprès des personnes victimes se fait dans le respect de leurs besoins et à leur rythme. Si une victime n’a pas porté plainte et n’est pas dans un processus judiciaire, elle peut recevoir le soutien d’un CAVAC.
Le soutien du CAVAC
Nous avons discuté avec Karine Gagnon, coordonnatrice au soutien organisationnel et au développement pour le réseau des centres d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC). « Nous aidons les victimes à évaluer les pour et les contre dans l’option de porter plainte ou non. Il faut que ça réponde à ses besoins. On ne prend jamais de décision pour la personne », souligne-t-elle.
Évidemment, il y a une évaluation des risques qui est faite en matière de violence conjugale et un filet de sécurité est mis autour de la victime. On vérifie si la personne a besoin de se rendre en maison d’hébergement, si elle peut compter sur des proches où elle peut se réfugier.
« Les avenues sont variées selon chaque victime. On va s’assurer que sa sécurité n’est pas compromise, dans les limites de ce que nous pouvons faire à notre niveau. »
Maintenir un lien de confiance
Il est difficile d’évaluer si une personne doit porter plainte ou non. « On doit y aller avec les besoins de la personne et ce qui répond le mieux à ses besoins. De façon générale, la décision doit répondre aux besoins de chaque personne. Évidemment, quand il y a des situations à haut risque ou si le danger est immédiat, on a une obligation professionnelle de dénoncer et les services policiers vont enclencher. Mais autrement, on y va avec ses besoins et c’est important de ne pas briser le lien de confiance avec la personne victime », poursuit Mme Gagnon.
Elle souligne que selon les statistiques, ça peut prendre jusqu’à sept tentatives avant qu’une personne victime de violence conjugale décide de vraiment quitter la relation.
« Même si elle est ambivalente, même s’il y a des retours dans la relation. On s’assure de garder le lien de confiance avec elle. La journée que ce sera la bonne fois, on sera présente pour elle. Nous sommes auprès de la victime du début à la fin du processus, si elle le désire. Les services du CAVAC sont volontaires selon les besoins et les demandes de chaque personne. On peut l’accompagner à la cour et on sera là tout le temps si elle le souhaite », rapporte Mme Gagnon.
« Ce qu’on entend souvent, c’est : ‘’Je ne veux pas qu’il aille en prison, je veux juste que ça arrête.’’ », dit-elle. Par ailleurs, la situation économique joue aussi beaucoup dans la décision de quitter la relation ou non.
Bracelet anti-rapprochement
Quand l’agresseur est remis en liberté, il peut lui être imposé de porter un bracelet anti-rapprochement pour éviter qu’il s’approche de la personne victime. Cette dernière peut, si elle le désire, avoir une application dans son téléphone qui l’avertit si son agresseur s’approche du périmètre établi. De plus, un signal est envoyé à une centrale de surveillance. À noter que cette mesure n’est pas appliquée dans tous les cas de violence conjugale.
* Prénoms fictifs pour protéger l’identité des victimes.
Les ressources
SOS violence conjugale
1 800 363-9010 | sosviolenceconjugale.ca
CISSS des Laurentides
Info Social 811 option 2
Maison d’Ariane
450 432-9355, 24h/7 | maisondariane.ca
L’Ombre-Elle
819 326-1321 | lombrelle.qc.ca
1 commentaire
trop de femmes vivent cela au Québec.
je me suis fait dénigré personnellement,crié après moi,cela fait 3ans et je commence à me sortir de tout cela.
il faut de l’éducation aux hommes et des lois plus sévère.